Dans cette deuxième partie, Aline nous montre son atelier. On y découvre les outils qui aident la créatrice à concevoir ses pièces complexes parfois ajourées . Cette visite est également l’occasion d’en apprendre un peu plus sur sa manière de travailler et sur ses choix de matières.

© Aline K Bijoux. SIte L’Envers du Décor www.lenvers-du-decor.com


Où travaillez-vous?

Pour l’instant, dans une petite pièce chez moi! Mon atelier est divisé en deux, mon établi et mon laminoir sont dans une petite pièce et les grosses machines (polisseuse) sont dans mon garage. L’atelier fait 10 m2 grand maximum, il y en a un peu partout. Quand j’étais à Marseille, j’avais un atelier qui n’était pas chez moi. J’ai déménagé et j’ai cherché un nouvel atelier à l’extérieur de chez moi parce que je voulais un atelier boutique et en fait, les loyers sont tellement élevés que je ne peux pas me le permettre.

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Quel est votre outil de prédilection et quelle en est la fonction?

Mon bocfil, la scie des bijoutiers. Si on n’a pas de bocfil, on ne fait rien! Je fais beaucoup de découpe, j’en ai quatre de différentes tailles dont deux trouvés aux États-Unis qui sont en aluminium, ils sont très légers et très maniables. Deux d’entre eux me servent tous les jours parce qu’en fonction de la lame qu’on met, on peut travailler le bois, l’acier, la cire… C’est le premier outil qu’on a en bijouterie.

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Y a-t-il d’autres outils que vous utilisez beaucoup?

Tous, le bocfil en premier, la pièce à main en second, elle sert à percer, fraiser, polir si on le souhaite. Néanmoins, à la base, c’est mon bocfil, si je dois partir, c’est mon bocfil que j’emporte en premier!

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Quels matériaux utilisez-vous le plus et pourquoi?

L’argent. On pourrait faire des bijoux en laiton car c’est moins cher mais ce n’est pas un matériau noble. Vous allez faire un beau bijou en laiton et le polir mais il faudra le vernir pour qu’il reste poli car dès que vous allez mettre vos doigts dessus, la sueur va rester. C’est un métal jaune, je trouve que ça n’a pas d’éclat. Pour moi, ça reste un métal pour faire des maquettes ou bien il faudrait le faire plaquer en or éventuellement. C’est du bijou fantaisie. Le temps que je vais passer à faire un bijou en laiton à la main, je préfère l’utiliser pour faire un bijou en argent qui est déjà un métal précieux. J’aime beaucoup l’éclat de l’argent, c’est un métal blanc qui vieillit bien même si certaines personnes le font noircir très vite mais on peut quand même le retraiter, le polir, etc. Avec les pierres de couleur que j’emploie, je préfère travailler un bijou en argent car, étant un métal blanc, tout va prendre de l’éclat dessus. L’or est déjà un métal tellement lumineux qu’il se suffit à lui même. Lorsque je fais un bijou, je préfère celui qui sort en argent. C’est mon métal d’affinité, on va dire.

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Comment choisissez-vous vos matières premières?

Je travaille avec un fournisseur depuis vingt-cinq ans, Cookson-Clal, qui est à Marseille. Au bout d’autant d’années, il y a quand même un climat de confiance qui s’installe. À Marseille, on a de la chance car il y a une grosse communauté de bijoutiers donc on a un peu tout sous la main. On a le fondeur et les sertisseurs, je suis relativement fidèle aux personnes avec qui je travaille. Quand on travaille toujours avec les mêmes personnes, on peut leur demander des faveurs, c’est bien. Pour les pierres, j’ai plusieurs fournisseurs parce que chacun a sa spécificité donc j’en ai un à  Marseille, c’est Saphir France. Je travaille un peu avec Ruppenthal à Paris et j’arrive désormais à trouver des pierres chez une jeune femme asiatique par Etsy. Il n’y a qu’elle qui a les pierres que je veux. Elle a des pierres et des tailles de pierre qu’on ne trouve pas en France.

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Au fur et à mesure des années, j’ai une de mes amies qui m’a donné un lot de pierres qu’elle avait ramené d’Inde il y a des lustres. Je stocke! J’aime énormément les pierres. Je me fournis un peu auprès de Ruppenthal Allemagne parce qu’ils ont de grosses perles de jades. Beaucoup de gens qui me font des demandes et comme j’ai beaucoup de pierres, je peux adapter mon travail. Dès qu’on met une jolie pierre sur un bijou, il part. C’est ce petit côté magique de la pierre. Par contre, il ne faut pas de pierres bas de gamme, il en faut toujours de très jolies même si  elles ne sont pas précieuses, il faut qu’il se passe quelque chose dans la pierre. Du coup, il y en a qui sont un peu bas de gamme dans mes stocks mais je les garde. Parfois, j’en donne à mes stagiaires pour qu’ils s’entraînent.

Les métaux deviennent de plus en plus chers. On ne peut plus travailler comme avant. On peut peut être remplacer les pierres par de la céramique. Mon fournisseur à Paris m’a dit que la turquoise allait devenir une pierre très rare à trouver. La dernière mine a fermé en Arizona je crois. Chaque fois qu’on sort une pierre de terre, elle ne sera plus là. C’est également ce qui me contrarie dans mon travail, c’est une réflexion. Le métal, on peut le refondre, ce n’est pas un problème. Les pierres, non.

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Travaillez-vous seule?

Oui, j’ai eu pas mal de stagiaires mais je n’ai plus de place donc je n’en prends plus. J’ai également été parfois déçue par les personnes qui sont venues ces derniers temps. Je trouvais que les gens ne savaient pas travailler et le piège d’avoir un stagiaire est que la personne s’imbibe trop du travail du créateur. J’ai eu une élève à qui j’ai du demander d’essayer de se démarquer de mon travail. C’est très ambivalent parce que je ne les fais jamais travailler en fonction de mes bijoux, c’est compliqué à gérer. Si j’avais un lieu plus grand, je reprendrais quelqu’un mais pour l’instant, je n’ai pas assez de place. Je n’ai plus qu’un établi donc il est pour moi.

Par contre, je n’ai pas envie que quelqu’un fasse les bijoux à ma place. Je veux que le bijou qui passe par mes mains soit fait par moi de A à Z. Quand je dis à quelqu’un que je fais un bijou, c’est le cas, jusqu’au bout. On peut très bien maintenant faire des découpes laser mais je préfère faire toutes mes découpes moi-même. Pour les architectures, ce serait trop compliqué à utiliser mais pour les fleurs, on peut les faire sur un fichier, on les fait découper au laser et il ne reste plus qu’à les emboutir. Je fais toutes mes fleurs à la main. Je ne peux pas toutes les faire au laser car je dois avoir 60 modèles de fleurs différentes. En sachant que sur certaines fleurs, j’ai cinq couches de pétales. C’est impossible !

Pour lire la suite : > Aline K Bijoux – 3/3 Pour aller plus loin

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Photos : © Aline K Bijoux. Photographies fournies par Aline Kokinopoulos et publiées avec son autorisation.