Margaux Clavel, jeune Française installée à Londres, a créé WWAN(1) en parallèle de son travail. Polyvalente, audacieuse et passionnée, Margaux nous raconte son parcours et l’amour qu’elle porte aux bijoux depuis son plus jeune âge.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?

Margaux Clavel, 27 ans, j’ai grandi à Paris dans le 13ème arrondissement. J’habite, respire, travaille, crée maintenant à Londres depuis 5 ans. J’y vis dans l’Est avec mon copain et Marcel le chat.

Comment définissez-vous votre univers?

Opulent, décalé, géométrique mais organique, audacieux mais élégant.

© ÄPLÄ Studio. L'Envers du Décor : www.lenvers-du-decor.com

D’où vient le nom de votre marque?

WWAN(1) regroupe les initiales de We Will Always Need (Nous auront toujours besoin/Il nous faudra toujours), et se prononce comme « ONE » en anglais. C’est un acronyme qui joue autour des concepts de besoin –ce qui est nécessaire/ce qui est superflu- et d’unicité (ce qui est unique : les pièces WWAN(1) et ceux qui les portent).

Les bijoux font partie du superflu, et pourtant ce sont des objets dont la charge émotionnelle est immense, des objets qu’on chérit, qu’on investit de pouvoirs particuliers, qui symbolisent et racontent des histoires. Nous n’avons pas besoin de bijoux et pourtant l’être humain ressent le besoin de se parer depuis des millénaires.

J’ai eu l’idée de ce nom et des concepts qu’il rassemble alors que j’étudiais encore. Je l’ai gardé dans un coin de ma tête en me disant que je l’utiliserais un jour pour un projet. Lorsque j’ai commencé à réfléchir à la commercialisation de mon travail j’ai réalisé que je ne voulais pas mettre mon propre nom en avant. L’histoire que je voulais raconter était un peu différente et je ne voulais pas associer de manière indélébile mon nom et prénom à un style et un type de produit bien défini.

C’est alors que je me suis souvenue de WWAN(1) et que j’ai réalisé que c’était le nom parfait pour lancer ma marque. J’ai donc d’abord conçu WWAN(1) comme une plateforme pour promouvoir mon travail, une plateforme destinée à s’agrandir, à s’ouvrir aux collaborations.

Quand et comment avez-vous décidé de lancer votre marque?

J’ai depuis longtemps fabriqué des bijoux et vendu mes créations à des proches, des amis, ou des inconnus. J’ai commencé à vendre les bijoux que je fabriquais alors que je n’étais encore qu’au lycée. Mon oncle et ma tante venaient d’ouvrir un restaurant dans le 19ème (Zoé Bouillon) et j’avais installé mes créations au fond de la salle.

En sortant du Royal College of Art à Londres j’ai continué de développer une ligne plus commerciale inspirée des pièces très sculpturales, ornementales et plus conceptuelles qui faisaient partie de mon projet de diplôme.

Je continuais à les offrir, à les vendre à des proches, à participer à des marchés de créateurs de manière occasionnelle, mais sans que ce soit très structuré en terme de communication et d’image. J’ai eu envie que mon activité prenne une tournure plus professionnelle début 2015.

J’ai développé de nouvelles pièces pendant presque un an. Puis j’ai enfin lancé WWAN(1) en décembre 2015 à Paris. Il m’a fallut de nouveau presque 6 mois pour mettre sur pied le site internet et la boutique en ligne, qui sont ouverts depuis Juin.

J’ai divisé ma collection de lancement en 7 groupes d’une dizaine de pièces chacun. «Monday» et «Tuesday» sont déjà disponibles, le reste des jours de la semaine sera ajouté progressivement jusqu’à Noël.

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Quel a été votre parcours avant ce lancement?

Après un bac littéraire et une année d’hypokhâgne, je suis entrée en CAP bijouterie-joaillerie à l’École privée BJOP. À la suite de deux ans d’enseignement technique très complet et exigeant, j’ai déménagé à Lyon où j’ai obtenu en deux ans un diplôme des métiers d’art « Art du bijou et du joyau ».  C’est à Lyon que j’ai commencé à aborder la parure sous un angle plus conceptuel, où j’ai appris à penser le bijoux, à faire le lien entre un cheminement plus intellectuel et ce que je fabriquais.

Sur ces deux ans j’ai effectué deux stages chez des créatrices basées à Londres (Maya Selway et Caren Hartley). Je m’étais déjà renseignée sur les deux grandes écoles d’art londoniennes (Central St Martins et le Royal College of Arts), mais ces deux périodes de stage m’ont conforté dans l’idée que je voulais venir étudier à Londres., où le monde de l’art et de la création possède une énergie et une ouverture hors du commun.

À Londres mon travail a changé d’échelle, et j’ai laissé libre cours à mon attrait pour la matière en m’attaquant à la conception de pièces plus imposantes. Après deux ans passés dans cette incroyable bulle créative qu’est le Royal College of Art j’ai obtenu un Master. Sortie d’école, j’ai fait de la fabrication en freelance pour d’autres créateurs (Alyssa Norton, Charlotte Valkeniers,…). J’ai passé ces deux dernières années en charge de la production et du Studio chez Comfort Station (une autre marque de bijoux londonienne, basée dans Shoreditch), en parallèle du lancement de WWAN(1).

Comment a démarré cette passion pour les bijoux?

Il me semble que j’ai toujours aimé les bijoux et que j’ai toujours aimé fabriquer des objets. Petite j’étais inscrite à tous les ateliers créatifs de mon école primaire et j’adorais ça : mosaïque, poterie, arts plastiques,… Sans être dans le milieu mes parents sont tous les deux assez manuels. Ma mère faisait beaucoup de couture quand j’étais petite, et mon père peut fabriquer à peu près n’importe quoi.

Ça a sans doute contribué à ma fascination pour les artisans, le savoir faire technique, les gens capables de créer et fabriquer des choses. Ça a toujours eu quelque chose d’un peu magique pour moi. La bijouterie c’est un peu de l’alchimie, on transforme la matière, on utilise le feu pour recuire, pour souder.

J’ai un profond intérêt pour la matière, l’accumulation, et un certain amour du bling. Sans avoir reçu d’éducation religieuse j’adore les églises et les bâtiments religieux en général, les retables surchargés, les objets recouverts à la feuille d’or, les sculptures à foisons, les cierges qu’on allume, l’odeur de la cire et de l’encens. Ce lien entre la parure, le sacré et les rituels, est d’ailleurs un sujet que j’ai un peu plus développé pendant mes deux années à l’école à Londres

J’ai aussi toujours adoré lire. La littérature, le théâtre, l’histoire de l’art ont joué un rôle important dans mon parcours. J’aime les histoires, les objets qui ont du vécu et que l’on transmet, qui deviennent précieux au delà de leur valeur intrinsèque. Il est rare que les bijoux ne racontent pas d’histoire, souvent même ces objets que l’on porte sont lourds de sens. Faire des bijoux est sans doute devenu ma manière de créer des histoires.

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Quand avez-vous créé votre premier bijou et qu’est-ce que c’était? Comment ça s’est passé et qu’avez-vous ressenti?

J’ai dû commencer à fabriquer des bijoux de manière obsessionnelle vers l’âge de 12-13 ans. J’achetais des apprêts, du fil métallique et des perles et je passais des heures, assise par terre dans ma chambre, à assembler tout ce qui me passait sous la main.

J’éprouvais beaucoup de satisfaction à pouvoir fabriquer des choses moi même, assembler des formes et des couleurs, relever des défis techniques et m’améliorer. Mais aussi de la fierté à pouvoir porter mes créations ou à les voir portées, à recevoir des compliments sur des objets que j’avais conçu.

Je fabriquais de manière très intuitive, j’essayais, j’achetais des livres explicatifs, mais j’improvisais beaucoup. Quand je suis entrée en école de bijouterie à Paris j’ai passé ma première année complétement tétanisée par l’exigence technique et la précision requise par la joaillerie.

Ce n’est qu’en arrivant à Lyon que j’ai commencé à vraiment mettre en application les techniques que j’avais apprises pour créer des bijoux que j’avais conçus. Avec le temps et l’expérience j’ai appris à relativiser, et compris qu’il n’y avait pas qu’une manière de faire. Tous les artisans ont leurs petits trucs, leurs habitudes.

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Comment fonctionne votre processus de création ?

Je dessine très peu. Je gribouille parfois une forme ou une idée sur un bout de papier pour les mémoriser mais ça ne va jamais beaucoup plus loin. J’écris d’ailleurs plus mes idées que je ne les dessine. Et j’ai aussi des boîtes remplies de matériaux, d’anciens tests, de pierres semi-précieuses, … Je deviens folle dès que je rentre chez un fournisseur en pierres ou chez un apprêteur. Le même genre de fièvre qui s’emparait de moi quand bien plus jeune je rentrais dans un magasin de loisirs créatifs.

Je passe le plus souvent directement à la fabrication de ce qui sera l’objet final ou une maquette à retravailler. Je travaille beaucoup en cire, je sculpte des formes et je les fais ensuite fondre en métal.  Je mets la plupart du temps directement les mains dedans, je fais des recherches de matière, j’étale autour de moi formes et matériaux et je compose, je fabrique. J’accumule plus que j’élimine, je procède aussi beaucoup par déclinaisons/ transformations. Lorsqu’une forme me plaît il m’arrive souvent de la re-travailler, de la combiner à d’autres éléments. Je n’aime pas éliminer, j’ai même parfois du mal à m’arrêter lorsque je suis lancée.

Mes inspirations sont multiples : des bijoux antiques, aux pièces victoriennes en acier facetté, en passant par les formes de l’Art Déco et les parures ethniques. J’aime ce qui a du poids, et une certaine présence, même s’il m’arrive aussi de créer des pièces très délicates.

J’ai également eu la chance de beaucoup voyager avec ma famille, et j’essaie toujours de partir dès que j’en ai l’occasion. Ces voyages sont toujours une source d’inspiration.

Mode, architecture, design, cuisine, couleurs, matières, textures, formes, odeurs… je m’imprègne de ce qui m’entoure, je le digère, et je crée mes versions d’objets que j’aimerais porter au quotidien ou dans une vie fantasmée.

Pour lire la suite : WWAN(1) – 2/3 Savoir-faire

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Photos : © ÄPLÄ Studio. Photographies fournies par Margaux Clavel et publiées avec son autorisation.