Les amulettes de Virginie Fantino

Les bijoux de Virginie Fantino sont de véritables madeleines de Proust. Qui n’a jamais collectionné des noyaux, des feuilles ou des coquillages dans de précieuses petites boîtes, durant son enfance ? Les petites amulettes de Virginie semblent conserver nos souvenirs les plus anciens. Le métal vient épouser une coquille de noix, un noyau de cerise ou un pépin de raisin. L’objet banal devient précieux, il est magnifié et raconte une toute nouvelle histoire, inventée par la créatrice. Virginie a accepté, avec beaucoup de gentillesse, de me faire découvrir son univers et de me parler de ce métier qu’elle aime tant.

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Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Virginie Fantino et je suis bijoutière. Je suis née à Nice et j’ai travaillé pendant longtemps à Paris et à Saint Denis. Je vis et travaille désormais à Marseille.

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Comment définirais-tu ton univers ?

Je m’inspire de la nature et du corps humain. Le bijou se porte sur le corps, le corps et la nature qui nous entoure me semblent donc être des notions très importantes.

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Quand et comment as-tu débuté ?

J’ai fait un CAP en apprentissage. J’ai toujours fabriqué des pièces pour le plaisir. Le jour où j’ai commencé à faire une collection, j’ai su que je serai bijoutière à mon compte. De plus, je pense que cet attrait pour la bijouterie est lié à un schéma familial. Mes parents sont à leur compte, mon père est ébéniste et ma mère est infirmière libérale. Cette activité et ce statut me semblaient donc logiques et surmontables. J’ai d’abord été salariée pendant un temps tout en commençant à faire mes propres pièces. Un chef d’atelier a été mon ange gardien à mes débuts, il a été génial. J’ai réussi à fabriquer une collection assez conséquente et je me suis lancée avec son soutien.

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Quel a été ton parcours ?

J’ai un Bac arts appliqués principalement orienté vers les objets. J’ai fait des stages d’observation en bijouterie dès le lycée et ça me plaisait beaucoup. Un jour, l’une de mes professeurs m’a demandé dans quel monde j’avais envie de vivre. Cette question a résonné en moi. J’avais déjà envie d’un atelier où je pourrais créer mes pièces et me sentir bien.

À l’issue du lycée, j’ai fait un DMA (Diplôme des Métiers d’Art) en sculpture appliquée au métal. C’était très créatif et la découverte du matériau m’a beaucoup plu. J’ai demandé à explorer plus en profondeur tous les aspects techniques. Ainsi, j’avais la sécurité de pouvoir travaillé dans un atelier si mes créations ne plaisaient pas. J’ai fait un CAP bijouterie joaillerie, en alternance, avec une entreprise sous-traitante pour des bijoux de défilé. Nous sous-traitions notamment pour des grandes maisons comme Dior, Balenciaga ou encore Chanel. Cette expérience fut très intéressante car on travaillait à une autre échelle sur des bijoux énormes, des séries, des prototypes ou des maquettes. Je me suis sentie très à l’aise dans ce domaine. J’ai été embauchée dans cette entreprise et tout doucement, j’ai demandé un 3/4 temps, puis un mi-temps et j’ai fini par démissionner pour lancer mon activité, début 2013.

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Comment ta passion pour le bijou a débuté ?

Au départ, c’était une analyse de ce que j’explorais. Enfant, j’avais trois microscopes, j’étais fascinée par tout ce qui était petit. J’aimais également regarder en profondeur les choses. Par exemple, j’étais très intriguée par le corps humain. J’étais toujours à la recherche des détails, des textures et du grain de la peau, d’une pierre ou d’une feuille.

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Cet attrait pour les détails s’est vite ressenti dans ma façon de dessiner et de mettre en forme des pièces. Je me suis interrogée sur mon futur métier et le bijou s’est imposé doucement et assez naturellement. Ce sont des petites pièces qui se posent sur la peau. Je n’avais pas envie de faire des pièces d’art, je voulais faire des pièces que les gens puissent s’approprier. C’est venu de fil en aiguille. J’avais déjà envie de travailler le métal. Cette matière me fascinait et me faisait un peu peur à la fois. Le métal peut paraître froid alors qu’il est très vivant et se travaille avec la chaleur. Dès qu’on le chauffe, il redevient mou. Comme je le disais précédemment, j’ai commencé par aller toquer à la porte de bijoutiers pour observer leur manière de travailler. J’ai tout de suite été passionnée, je pouvais rester des heures à les observer sans jamais m’ennuyer. C’était un signe ! Depuis ce jour, je ne m’en suis jamais lassée.

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Comment s’est dessinée l’idée de faire des bijoux avec des coquilles et des noyaux ?

La noix est le point de départ du projet, c’est est ma pièce maîtresse. J’y voyais le symbole du cerveau et de la nature. Je voulais toucher les gens dans leur intimité. La forme à l’intérieur de la noix fait penser au test de Rorscharch. C’est également un objet qu’on a l’habitude de voir mais qu’on ne regarde plus en profondeur. On voit des coquilles de noix, des noisettes et des noyaux de cerise partout au quotidien. C’est banal. J’avais envie de prendre ces objets anodins du quotidien pour leur rendre leurs lettres de noblesse. Certaines graines permettent aux gens de se remémorer des souvenirs d’enfance et des histoires personnelles. Elles sont protégées dans les structures que je crée. Finalement, je viens révéler ces histoires intimes et mes bijoux deviennent alors très émouvants pour certaines personnes.

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De plus, j’aime beaucoup l’idée de travailler avec des objets qui vieillissent. J’ai choisi de travailler avec le métal qui est une matière pérenne et précieuse. Ce sont des bijoux qu’on ne change pas tous les six mois. Les éléments naturels vont se patiner avec le temps, le bijou va donc prendre de la valeur au fur et à mesure qu’il est porté. Je trouve cette idée assez belle. J’ai donc commencé à travailler avec ces différentes matières en me disant « on verra ce que ça donne ». Lorsque j’ai débuté en 2013, j’ai entendu pas mal de moqueries concernant mon projet. On me disait qu’il était absurde de porter des coquilles de noix autour du cou, c’est assez drôle de voir comment les choses ont changé. En 2-3 ans, je pense que les gens se sont habitués à cette idée et c’est devenu très à la mode avec l’intérêt croissant pour le « upcycling » et la nature. Les gens ne sont plus vraiment surpris ou bien agréablement. Auparavant, les réactions pouvaient être assez dures.

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Quel a été ton premier bijou ?

Mon premier bijou a été réalisé à l’école. On m’avait donné un thème qui était « métal et papier ». J’avais fait des petites cages en laiton et des origami d’oiseaux en papier à l’intérieur.

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Que ressens-tu lorsque tu travailles ? Qu’est-ce ça t’apporte au quotidien ?

Tout dépend des étapes. Lors des recherches, je ressens de l’exaltation ou bien une grande frustration si je ne réussis pas à faire sortir ce que j’ai à l’intérieur. En même temps, quelque soit mes sentiments, ce processus reste une nécessité, je n’ai pas l’impression d’avoir le choix. Il faut que ça sorte. Lorsque je ne prends pas le temps de créer, je vais avoir la sensation de bouillir à l’intérieur. Quand l’étape de création se passe bien, j’ai presque la sensation de faire du yoga, c’est un rituel apaisant, proche de la méditation. Le corps et l’esprit sont totalement impliqués dans ce travail. Pour faire un geste correct, il faut bien respirer, bien positionner son dos et ses bras. Le métal nécessite une maîtrise. Par exemple, quand on martèle, plus on donne de coups de marteau, plus le métal durcit et il répond moins au coup donné. C’est très intéressant, il faut savoir où taper et pourquoi. Il y a toute une gestuelle maîtrisée. Quand on acquiert cette maîtrise, c’est un vrai bonheur, tout roule et c’est très chouette ! Je me sens très sereine lorsque je crée. Par contre, toutes les tâches administratives, dont on n’a pas forcément conscience au début d’une activité, n’ont pas les mêmes effets bénéfiques ! 🙂

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D’où vient ton inspiration ?

Mon inspiration vient de tout ce qui m’entoure, les relations humaines comme tout le reste. Quand je vois une petite plante qui pousse sur le bitume, je trouve ça très poétique. Néanmoins, mes inspirations principales restent le corps et la nature. Le lien que nous avons avec la nature m’intéresse beaucoup. Nous vivons bien souvent en ville et certains détails nous échappent. On se sent facilement agressé par ce qui nous entoure au quotidien et on ne regarde plus les petites choses précieuses du quotidien. J’aime les mettre en avant dans mon travail.

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Photos : © Virginie Fantino. Photographies fournies par Virginie Fantino et publiées avec son autorisation.