LAURA ESSAYIE – SAVOIR-FAIRE

Cette deuxième partie de l’interview, consacrée au travail de la créatrice de bijoux Laura Essayie, aborde son savoir faire, son atelier et ses choix engagés. Laura Essayie ne se limite pas à un lieu de vie et de travail. Elle voyage et trouve des solutions pour continuer à fabriquer ses bijoux, quelque soit son port d’attache du moment. C’est également une créatrice impliquée dans la recherche de solutions pour continuer à exercer son métier tout en respectant les ressources naturelles de notre planète. Laura chine des bijoux qu’elle refond ou propose à sa clientèle de lui apporter leurs bijoux pour leur donner une seconde vie.

laura-essayie-lenvers-du-decor-blog-bijoux-atelier
© Laura Essayie

Vous voyagez entre Paris, les Pays-Bas et l’Italie, où travaillez- vous ? 

Ce n’est pas toujours facile à suivre. J’ai grandi à Paris où j’ai étudié et commencé à développer ma collection. Mais j’ai trouvé l’amour aux Pays-Bas en parallèle d’un stage incroyable. Je ne pensais passer que 4 mois dans ce pays. Et j’y passe la plupart de mon temps depuis 5 ans. Je suis maintenant installée à Utrecht, ville méconnue proche d’Amsterdam. Et c’est bien qu’elle reste confidentielle, elle a tous les avantages de la capitale – les vieux canaux, les belles bâtisses, le vélo partout – sans les défauts (les dérives d’un tourisme de masse) mais avec une population très jeune et cosmopolite. Quant à l’Italie, j’ai la chance d’y avoir une maison de famille dans un village avec une rivière paradisiaque. J’y ai passé trois mois à la belle saison cette année et j’y ai développé ma prochaine collection. Mais je ne suis jamais loin de Paris où je retourne régulièrement voir les copains, la famille et organiser des ventes éphémères. 

laura-essayie-lenvers-du-decor-blog-outils
© Laura Essayie

Pourquoi avoir choisi de vous déplacer ainsi ? 

Je ne suis pas vraiment capable de choisir un seul endroit pour vivre. J’aime être dans cet équilibre instable, ne pas savoir où je serai dans 6 mois. C’est comme ça que je me sens à ma place.

laura-essayie-lenvers-du-decor-blog-outils
© Laura Essayie

Quel est votre outil de prédilection ? Pourquoi ? 

Je crois que je suis très attachée à mon banc à tirer. Sous ce terme barbare, il faut comprendre l’outil manuel qui permet de fabriquer le fil d’argent ou or. On passe ce fil dans une filière différente selon l’envie de faire un fil rond, carré, oval. La filière est elle-même posée sur le banc. Le fil est tiré par une grosse pince dont la puissance est décuplée par une manivelle. Bref, c’est un peu complexe si on ne l’a pas sous les yeux.  J’aime cet outil pour au moins deux raisons.  Il était trop cher pour que je me l’offre et mon amoureux m’a fait la surprise de le fabriquer avec du matériel simple mais très efficace. C’est un vrai geste d’amour qui m’a permis de faciliter grandement mon travail. Ensuite, l’utilité de cet outil est central dans mon travail du bijou. Si je ne l’avais pas, je ne pourrais pas recycler mes propres chutes de métal ou l’argenterie chinée en brocante pour réaliser mon propre fil. Il me rend complètement indépendante.

laura-essayie-lenvers-du-decor-blog-laura
© Maarten Van Rossum

Quels sont les outils que vous utilisez le plus  ? 

Mes pinces! J’en ai 5 ou 6 et chacune a une fonction particulière pour réaliser telle courbe, tel angle, tel nœud. Si l’une est égarée, tout le processus s’arrête.

laura-essayie-lenvers-du-decor-blog-etabli
© Laura Essayie

Quels matériaux/supports utilisez-vous le plus et pourquoi ? Lesquels préférez-vous ? 

Ma matière préférée est sans aucun doute l’argent. C’était la matière de mon oncle, d’une incroyable douceur à travailler, et d’un éclat lumineux. 

laura-essayie-lenvers-du-decor-blog-croquis
© Laura Essayie

Vous êtes spécialisée en sculpture, qu’est-ce que ça vous a apporté ? 

La sculpture c’est l’action de modeler, de former, de transformer la matière en 3 dimensions. C’est l’activité qui me passionne. Comme je n’aime pas les grosses machines qui font du bruit et des étincelles, j’ai naturellement réduit la taille de mes sculptures jusqu’à ce qu’elles s’adaptent au corps. En fait je ne sais pas envisager le bijou sous un autre angle. La chaînette au pendentif romantique, la bague sertie de nombreux diamants ne font pas parties de mon vocabulaire.

laura-essayie-lenvers-du-decor-blog-Remi-Ferry
© Rémi Ferry

Comment choisissez-vous les matières premières ? 

J’essaie d’utiliser une matière recyclée autant que possible pour ne pas puiser davantage dans nos réserves naturelles et contribuer à la destruction sociale et environnementale de notre monde.

laura-essayie-lenvers-du-decor-blog-dessin
© Laura Essayie

Pour cela, je chine des bijoux ou cuillères en argent en brocante et invite mes clients à réutiliser d’anciens bijoux qu’ils ne portent plus pour réaliser une pièce de ma collection. Pour le reste, mon fournisseur me propose une matière première qui est à 80% recyclée et qui est certifiée par le label Responsible Jewellery Council. J’aimerais aller plus loin en n’utilisant qu’une matière 100% recyclée. J’espère y arriver prochainement.

laura-essayie-lenvers-du-decor-blog-bagues-etabli
© Laura Essayie

À quoi ressemble une journée de travail habituelle ? 

Les journées ne se ressemblent pas beaucoup. Cela dépend aussi du lieu où se trouve mon atelier. Je réalise les commandes en cours en écoutant des podcasts. Je réponds à des mails, parfois je fais une petite pause en accompagnant mon copain dans sa tournée des magasins de seconde main (il est brocanteur) où je trouve tout ce qui m’habille ou de l’argenterie à fondre pour faire un bijou. Entre deux commandes, je peux tenter un nouveau modèle puis le laisser reposer pour le développer plus tard. Et en fin de journée, il est temps de poster les bijoux prêts pour leurs destinations internationales.

laura-essayie-lenvers-du-decor-blog-etabli-Wecandoo
© Wecandoo

Quel autre métier (manuel ou non) aurait pu vous attirer ? 

Quand j’étais adolescente, je rêvais d’être programmatrice musicale chez Radio Nova. C’est d’ailleurs là-bas que j’ai fait mon stage de 3ème. C’était vraiment bien mais j’ai réalisé que je manquais de mémoire pour me rappeler des noms de si nombreux morceaux. Je suis aussi très attirée par le métier de souffleur de verre, cette technique me semble magique. Bien sûr, j’adorerais apprendre à travailler le bois, la céramique. Cela viendra peut-être.

laura-essayie-lenvers-du-decor-blog-feu-Wecandoo
© Wecandoo

Photos : © Laura Essayie, © Wecandoo, © Rémi Ferry, © Maarten Van Rossum. Couverture : © Wecandoo. Photographies fournies par Laura Essayie et publiées avec son autorisation.