LE SAVOIR-FAIRE DE SAMUEL BRAND

Le métier de verrier m’a toujours semblé assez mystérieux et fascinant. La visite de l’atelier de Samuel Brand a été l’occasion de discuter des étapes de fabrication d’une pièce et de l’utilisation de la canne traditionnelle et du chalumeau. Nous avons également parlé de ses outils et des caprices du verre. Un échange très enrichissant et instructif.

Où travailles-tu ?

Mon atelier est au Lardin Saint-Lazare. À ce stade, mon atelier n’est pas encore complètement installé. La partie chalumeau est opérationnelle mais mes fours (pour le travail à la canne) ne sont pas encore installés. J’attends d’être totalement prêt avant de les allumer. Pour l’instant, je me concentre sur le chalumeau. J’ai la chance d’avoir un ami qui travaille près de mon atelier et qui me prête parfois ses fours pour que je puisse faire des pièces à la canne. Si tout se passe bien, j’ouvrirais mon atelier-boutique en 2020. J’ai encore beaucoup de travaux à faire. Je viens de refaire tout le sol et il me manque encore la vitrine de la boutique. Une fois que ce sera fait, je pourrai accueillir du public.

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Mon ami verrier et moi cherchons à promouvoir le verre. On voudrait que les gens découvrent d’autres facettes du verre. Les pièces que l’on trouve habituellement dans le commerce sont loin de montrer l’étendue de ce qu’on peut faire. On peut obtenir des résultats totalement différents. On veut également expliquer qu’il y a plein d’étapes très importantes dans la fabrication d’une pièce en verre. On oublie trop souvent la recuisson, par exemple. Beaucoup de personnes ne savent pas que le verre doit être recuit pour le solidifier. J’aime également beaucoup la relation avec le public et les démonstrations. Je pourrai bientôt montrer mon travail en direct, ce que je n’ai pas pu faire pendant les huit dernières années car je vendais mes pièces sur des marchés en Dordogne.

Quelles sont les grandes étapes de fabrication d’une pièce à la canne ?

À la canne traditionnelle, il faut d’abord prendre la matière avec la canne dans le four. Je dois ensuite prendre la couleur qui constituera le décor. Il s’agit de couleur en poudre ou en grains. Il existe également une troisième technique de coloration qui s’appelle la ballotte. C’est de la couleur pure qu’on place en bout de canne. Je ne l’utilise pas beaucoup. Les poudres et les grains de couleur peuvent être comparés à la gouache et l’aquarelle en peinture. La poudre est l’aquarelle et la gouache correspond plutôt aux grains de couleur. On utilise l’un ou l’autre en fonction de l’effet recherché. Une fois qu’on a réalisé le décor, on vient souffler une première petite bulle. On appelle cette étape la poste, c’est la première étape d’une pièce, son squelette. Si le squelette est bon, on a une bonne base pour continuer la pièce. Cette étape est cruciale, si on la rate ou si on la fait mal, le verre s’en souviendra et le retranscrira. Le problème va s’accentuer au fur et à mesure de la fabrication.

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Ensuite, je remets de la matière par dessus et je commence à former la pièce. Il y a beaucoup de petites étapes mais pour faire simple, je fais le fond puis un empontillage. Il s’agit d’un collage au fond de la pièce pour pouvoir désaxer le sens de la pièce. La partie qui est encore accrochée à la canne peut être remontée en température pour pouvoir l’ouvrir à chaud. Une fois que la pièce est terminée, il faut la recuire. La recuisson est à 510 degrés pour éliminer les tensions internes. Ça va redescendre tout doucement en température jusqu’au lendemain matin. Cette étape est indispensable sinon la pièce ne sera pas viable. Une pièce non recuite n’est pas terminée car les tensions restent à l’intérieur. Le verre va alors se casser pour les libérer. Le but de la recuisson est d’effacer la mémoire du verre.

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Quels sont tes outils préférés ? Pourquoi ?

J’aime bien mes ciseaux de la marque italienne Carlo Donà. Je les utilise beaucoup. Ils sont fins, ils permettent de faire des formes, des décors, d’enlever une bulle d’air, un caillou dans la matière, etc. J’aime beaucoup mes fers à trancher pour la canne traditionnelle. Pour le chalumeau, les ciseaux sont également très utiles. J’aime également ma spatule en métal qui est normalement conçue pour raboter le bois. Je m’en sers pour donner des formes et sculpter ma matière. 

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Préfères-tu le chalumeau ou le soufflage ?

Tout dépend de la pièce que je fais. J’ai fait une formation en soufflage et si je pouvais en faire tous les jours, je le ferais. Cependant, j’ai récemment fait beaucoup d’expériences avec mon chalumeau et j’ai pris plaisir à découvrir de nouvelles méthodes de travail. Le chalumeau et la canne sont désormais indissociables dans ma pratique, je ne me vois plus trop faire l’un ou l’autre uniquement. 

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Est-il difficile de travailler avec le feu ?

Non, j’adore ça ! Par contre, c’est capricieux. Les six premiers mois, tu t’arraches les cheveux parce que tu n’arrives à rien ! C’est mon avis, il y a des personnes pour qui c’est tout de suite facile. Personnellement, c’est à force de travail et de ténacité que j’ai progressé.

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Quelles sont les techniques que tu utilises le plus ?

Pour la canne, j’aime travailler sur de la masse et des décors intérieurs. Par exemple, j’adore faire des presse-papiers. J’aime également faire des pièces soufflées notamment en utilisant la technique des côtelés vénitiens. C’est un moule qui ressemble à un cannelé à l’intérieur. Il permet d’obtenir des lignes de couleur qu’on peut ensuite retravailler pour créer d’autres décors. Je n’ai pas de décor de prédilection, j’en fais plusieurs qui sont très différents. Je ne me dis jamais, par exemple, que je vais faire uniquement des décors avec des baguettes filigranées pendant une semaine.

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Pour le chalumeau, je passe plutôt d’une baguette filigranée à une perle avec des pois. Pour la canne traditionnelle, c’est le même procédé de fabrication mais je change de décor à chaque fois. Je n’aime pas faire le même décor tout le temps. Je pense que ça vient de mon expérience à Saint Louis. Là-bas, il m’arrivait de faire des pièces pendant sept heures d’affilée. C’est très bien pour apprendre à produire beaucoup mais ce n’est pas bon pour le moral. Je ne veux pas produire en grande quantité, je veux avoir une verrerie à échelle humaine.

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Comment t’approvisionnes-tu ?

Pour le verre à la canne, dès que mes fours seront allumés, j’utiliserai du Telux. Pour les couleurs, je me fournis chez Kugler, une entreprise allemande qui fabrique les couleurs pour les verriers. Leurs coloris restent assez semblables. C’est pratique même si ça n’a que peu d’importance pour moi. Je ne travaille pas sur des tons uniques, j’aime la couleur. 

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Pour le chalumeau, j’ai du verre Effetre (anciennement Moretti) qui vient de Murano. C’est du verre de très haute qualité. Je me régale avec ce verre. Il est flexible, il ne fait pas de bulles. Au niveau des baguettes, c’est l’un des plus onéreux mais le résultat est là. Je préfère payer un peu plus cher et faire des pièces de bonne qualité. Je travaille aussi avec des couleurs américaines qui sont compatibles avec le verre italien. Ce sont généralement de bonnes couleurs. J’ai également un fournisseur en France qui proposent des verres étrangers car nous n’avons pas de fournisseur direct de verre en France. Le choix de la matière première est essentiel, c’est l’une des deux choses les plus importantes dans mon métier avec la recuisson. 

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As-tu une journée de travail habituelle ?

Non, je n’ai pas d’habitudes particulières. J’aurai des horaires quand la boutique ouvrira. Pour l’instant, avec les marchés, je travaille en continu. Je prends parfois des moments de pause pour avoir une vie à côté. J’ai récemment pris conscience de la nécessité de faire des pauses, j’ai encore du mal à le mettre en application. Quand je travaille, je suis un acharné.

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Y a-t-il un autre métier qui aurait pu t’attirer ?

Plusieurs métiers manuels. Je suis attiré par le métal, le bois et la céramique, dans une moindre mesure. J’aime les matériaux nobles. Je suis moins attiré par la maroquinerie mais j’aurais pu être interessé par beaucoup de matières. Par contre, j’aime beaucoup le feu donc je pense que ça aurait pu être le métal. J’aime également beaucoup le bois, mon atelier en est rempli !

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Photos : © L’Atelier verrerie du Chat Noir, © L’Envers du Décor. Photographies fournies par Samuel Brand ainsi que L’Envers du Décor et publiées avec leur autorisation.